Derrière les collections optiques de Vivienne Westwood, Sandro ou AllSaints, une même signature : celle de Sandra Battistel. Vision aiguisée, maîtrise technique et dialogue constant avec les marques définissent son approche.
Italienne d’origine, diplômée de Central Saint Martins, Sandra Battistel incarne une génération de designers pour qui l’optique est un terrain d’innovation transversal. Passée par Victoria Beckham, Anthropologie ou Bimba y Lola, elle est aujourd’hui Design Director chez Mondottica. Forte de son expertise en lunetterie et joaillerie, elle développe pour chaque marque une identité singulière, fidèle à son ADN, portée par une exigence de qualité et un souci constant des matériaux.
Mondottica Group est l’un des leaders internationaux de la lunetterie sous licence. Implanté en Europe et en Asie, le groupe développe des collections optiques et solaires pour des marques telles que AllSaints, Hackett, Sandro, Vivienne Westwood, Christian Lacroix ou encore Ted Baker. Chaque partenariat s’inscrit dans une approche collaborative, où les valeurs stylistiques de la marque rencontrent la technicité optique. Le résultat : des montures à forte personnalité, pensées pour un marché mondial exigeant.
Parisee -. Comment votre parcours dans le design de lunettes a-t-il commencé, et qu’est-ce qui vous a menée à votre poste actuel de Directrice du Design chez Mondottica Group ?
S. Battistel -. J’ai commencé ma carrière en tant que stagiaire au sein du département design de Marcolin, peu après l’obtention de mon diplôme. Après quelques années passées à travailler en Italie, j’ai déménagé à Londres, où j’ai exercé comme développeuse produit pour des marques de maroquinerie. Cette expérience m’a permis d’inscrire les lunettes dans une perspective plus large, en lien avec les accessoires et le prêt-à-porter — où le style et la conception produit fonctionnent en synergie.
Parisee -. Design de lunettes vs autres accessoires : qu’est-ce qui distingue la lunetterie selon vous ?
S. Battistel -. Il y a de nombreux défis, surtout pour un objet aussi petit ! L’ajustement est essentiel, mais ce qui rend les lunettes uniques, c’est leur dimension ultra personnelle — c’est souvent la première chose que les autres perçoivent de nous. Elles façonnent notre première impression.
Parisee -. Y a-t-il une ou deux montures emblématiques que vous et votre équipe avez créées et qui incarnent pleinement l’identité d’une marque ?
S. Battistel -. Ma préférée est la Vivienne Westwood VW7022. C’est un parfait exemple où design et recherche technique se rejoignent. Nous avons dû intégrer la charnière dans le logo Orb en 3D de manière fluide — une véritable prouesse. Elle fait aussi référence à la fin des années 90, ce qui la rend encore plus spéciale pour moi.
Parisee -. Vous avez aussi conçu des bijoux. Existe-t-il un lien créatif entre lunetterie et joaillerie dans votre approche ?
S. Battistel -. Le lien est fort. Historiquement, les lunettes étaient souvent fabriquées par des joailliers, parfois en or ou en argent, avec des gravures minutieuses. Ils utilisaient les mêmes techniques. Mon intérêt profond pour les matériaux, leur façonnage et leur évolution me permet de travailler main dans la main avec artisans et fabricants, que ce soit pour les lunettes ou les bijoux.
Parisee -. Chez Mondottica, vous collaborez avec de nombreuses marques. Comment faites-vous pour préserver l’identité de chacune ?
S. Battistel -. Tout repose sur la création d’un langage de design propre à chaque marque. Nous y parvenons grâce à une collaboration étroite entre nos équipes et les créatifs des marques. Le développement d’un vocabulaire commun est primordial, car il se reflète dans chaque détail des collections. Notre force, c’est cette capacité à reconnaître une marque à travers une monture, sans même lire son nom sur les branches.
Parisee -. Quelles sont vos principales sources d’inspiration en matière de design ?
S. Battistel -. Nous faisons un travail de recherche approfondi : tendances de mode, innovations techniques, et réinterprétation de modèles vintage sous un angle contemporain. Cette curiosité permanente alimente tout notre processus créatif.
Parisee -. On dit que votre équipe privilégie le dessin à la main. Pouvez-vous nous en dire plus ?
S. Battistel -. Oui, nous dessinons énormément, et j’encourage mon équipe à esquisser à la main le plus possible. Cela permet une meilleure compréhension des formes et des contraintes techniques, surtout pour les modèles complexes.
Parisee -. Y a-t-il des matériaux que vous aimez particulièrement travailler ? Pourquoi?
S. Battistel -. J’ai toujours eu une passion pour le développement de motifs d’acétate. Nous le faisons souvent pour des marques comme Vivienne Westwood ou Christian Lacroix. Un bon exemple est le CL5137 dans la couleur « Meteorite », que nous avons développée sur mesure pour la dernière collection.
Parisee -. Comment imaginez-vous le futur du design en lunetterie ? Quelles tendances vous enthousiasment le plus ?
S. Battistel -. L’innovation autour des matériaux recyclés et durables me semble extrêmement prometteuse. Le rendu est souvent magnifique — on n’est plus du tout dans l’approche “green” austère.
Parisee -. Un mot sur les formes iconiques du passé : lesquelles vous inspirent encore aujourd’hui ?
S. Battistel -. Plutôt que les formes seules, ce sont les fonctions oubliées des lunettes qui m’inspirent : lunettes de théâtre, lunettes de maquillage, lunettes 3D… Aujourd’hui, on explore la VR, l’AR, et même les montures capables de prendre des photos. La lunetterie continue d’évoluer à la croisée de la technologie et du design.
À travers son regard affûté et sa maîtrise du design, Sandra Battistel impose une signature discrète mais essentielle dans l’univers de la lunetterie contemporaine. Chez Mondottica, elle orchestre l’équilibre entre identité de marque, innovation matière et exigence technique — une approche qui façonne le visage des collections optiques d’aujourd’hui.
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