Interview : Emmanuel Andrivet et l’innovation des lunettes 3D

Emmanuel Andrivet est un pionnier dans le monde de la lunetterie grâce à son utilisation de la modélisation et de l’impression 3D. En tant que designer visionnaire, il explore les nouvelles technologies pour transformer le design des lunettes et repousser les limites créatives.

Cette interview exclusive vous plonge dans l’univers créatif d’un designer qui réinvente les lunettes en exploitant les technologies de pointe. Découvrez comment Emmanuel Andrivet combine tradition et innovation pour repousser les limites du design lunetier, avec des collaborations prestigieuses telles que Yohji Yamamoto, Minima, Cartier, Boucheron, Montblanc, et Zen Barcelona, ainsi que des créations qui marquent l’industrie des lunettes conçues en 3D.

Illustration minimaliste et attrayante de lunettes 3D

Rencontre avec Emmanuel Andrivet : vision, créativité et design

Parisee -. : Comment êtes-vous devenu designer de lunettes ? Pouvez-vous me résumer votre parcours ?

Emmanuel Andrivet-. : J’ai commencé ma carrière en 1988 en tant qu’opticien à Bordeaux. Le magasin proposait un service de réparation et d’emblée je me suis intéressé à la fabrication, à la technique. J’ai appris sur le tas. Notamment auprès d’un lunetier, meilleur ouvrier de France, qui travaillait avec nous.

Ensuite je suis monté à Paris, vers 1991, pour m’installer en tant que responsable de magasin. À cette époque, l’arrivée des mutuelles a complètement transformé le métier d’opticien. On est passé d’un métier de services à un énorme business et je ne me suis pas retrouvé dans cette nouvelle donne. Je m’ennuyais.

C’est ainsi que j’ai commencé à dessiner des lunettes. Notamment un modèle sans vis, en fil de titane. Avec mon idée, je suis allé voir Maurice Timon, le fondateur de la marque Minima. Mon projet lui a plu et il a acheté mon travail à bon prix. Cela m’a encouragé à me lancer en développant des modèles pour les autres. Même si ce n’a pas toujours été simple, j’ai continué.

Dès les années 94 – 95, je me suis intéressé et formé aux possibilités offertes par la 3D. Ce nouveau procédé m’a permis de gagner beaucoup de temps pour faire de nouvelles propositions aux marques.

Quelles sont les grandes marques européennes avec lesquelles vous avez notamment collaboré ?

Depuis trente ans, j’ai collaboré avec de nombreuses marques comme Minima, Vincent Kaes dont j’ai participé au lancement, Zen Barcelona, Gold and Wood, Cartier, Boucheron ou encore Montblanc…

Pour chaque nouveau projet, j’allais toujours dans les usines pour voir comment on fabriquait en apprenant tout ce qui était réalisable et à quel prix.

 

Parlez-moi de votre collaboration avec Yohji Yamamoto ? Quelle est votre part de liberté quand vous travaillez pour le nom d’un grand couturier ? 

Je travaille pour la marque depuis quatre ans. Il s’agit d’une licence pour laquelle je travaille en totale liberté, sans brief.

Yojhi Yamamoto propose des collections avec beaucoup de drapés et une forte présence du Japon traditionnel.

Pour ce travail, je me suis beaucoup imprégné de la culture japonaise, en particulier du théâtre. Puis je me laissé inspirer autour certains thèmes comme les cerisiers, les sabres, les kimonos. Et cela a plu !

Parlez-moi d’un modèle issu de cette collaboration et dont vous êtes particulièrement satisfait ?

Je vais choisir d’en mentionner deux.

Tout d’abord le modèle look 1 inspiré des racines de cerisiers et fabriqué dans une usine japonaise avec un procédé unique de titane injecté. Il s’agit d’une réinterprétation du missel. La racine part du tenon en progressant au-dessus du sourcil. Nous avons obtenu un résultat superbe, décliné en trois formes et qui remporte un grand succès.

L’autre modèle est une série intitulée looks 10 / 11/ 12.  La série est fabriquée en acétate facetté à la main, au Japon. L’acétate est taillé comme un diamant. Chaque charnière est spécifique. Celle de droite n’est pas identique à celle de gauche. Même les vis sont uniques. Toutes les pièces ont été étudiées et créées spécialement pour la collection. Dans ce modèle, je me suis inspiré de l’artisanat japonais. La face rappelle la menuiserie et l’armature en métal de la branche reprend le design spécifique d’un sabre damascus.

D’une manière générale, quelles sont vos sources d’inspiration au moment de dessiner une nouvelle collection?

Mes principales sources d’inspiration sont l’art nouveau, le naturalisme et les pièces mécaniques à travers lesquelles s’exprime ma passion pour la moto et l’automobile.

 

Comment parvenez-vous à passer d’un univers de marque à l’autre ? Est-ce qu’il reste toujours une part de vous-même dans vos créations ?

 Les marques me demandent de garder ma personnalité. Elles viennent me voir aussi pour ça.

À chaque nouvelle collaboration, je commence toujours par regarder ce qui a été fait à travers l’histoire de la marque. Ensuite, j’essaie de voir ce que je peux apporter. L’objectif est de parvenir à innover, sans tout casser.

 

Qu’est ce qui caractérise votre travail ?

Une des spécificités de mon travail est de modéliser le produit que je visualise dans ma tête en le reportant directement sur mon écran d’ordinateur, sans croquis préalable. Grâce à mon expérience dans le domaine, je sais aussi exactement, dès ce stade, comment les lunettes seront ensuite fabriquées. Cela m’évite de perdre de temps à dessiner des modèles qui ne seront pas faisables. Tout surgit en même temps !

Mes dessins sont toujours expliqués, cotés, annotés, sans aucune place laissée à l’interprétation. À la différence des dessins en 2D utilisés par 95% des marques, la 3D ne laisse pas de place à l’interprétation. Cela permet de gagner beaucoup de temps avec les fabricants en se centrant uniquement sur le choix des matériaux et du procédé de fabrication.

Comment voyez-vous l’évolution du design lunetier, dans un avenir proche ?

La fabrication traditionnelle va perdurer, encore, pendant plusieurs années. Mais elle va être amenée à cohabiter, de plus en plus, avec l’impression 3D qui n’a de cesse de progresser.

L’impression 3D offre de nombreux atouts pour l’avenir. Tout d’abord, elle présente un avantage écologique en permettant de n’utiliser que la matière dont on a besoin, sans générer de déchet en phase de fabrication. Elle permet aussi une grande liberté créative en autorisant des formes qui ne pouvaient pas être moulées auparavant.

En 2016, j’ai d’ailleurs créé la marque Impressio qui proposait exclusivement des modèles imprimés en 3D. Ce procédé de fabrication se développe à une vitesse impressionnante avec un choix de matériaux de plus en plus diversifié.

Aujourd’hui, il est d’ores et déjà possible d’obtenir de très beaux transparents. Pour l’instant on ne parvient pas à imprimer de l’acétate, un matériau très apprécié en lunetterie par sa manière particulière de capter la lumière et de créer de l’émotion. Pour l’instant, les matières sont assez froides. Mais, d’ici 5 à 6 ans, on devrait être capable de se rapprocher de l’acétate grâce à des résines.

Vous êtes un pionnier en matière d’utilisation de la 3D en lunetterie ? Pouvez-vous me parlez un peu de cette nouvelle approche ?

Toutes les grandes usines sont désormais équipées en imprimantes 3D pour le prototypage. Cela permet de sortir un prototype en 5 heures, au lieu de 2 à 3 semaines, en moyenne, avec les procédés traditionnels. Les fabricants commencent aussi à utiliser cette technologie, ponctuellement,  pour exécuter de petites pièces très difficiles à réaliser en usinage classique.

La fabrication additive viendra progressivement remplacer les procédés soustractifs. De nombreuses marques utilisent déjà l’impression 3D. Par exemple, c’est la technique utilisée pour embarquer des caméras dans la nouvelle génération de lunettes intelligentes.

L’impression 3D garantit aussi des délais d’exécution très rapides. Cela offre des perspectives très prometteuses dans le domaine humanitaire. En collaboration avec une association, je travaille sur un projet de lunettes que l’on pourrait fabriquer sur place dans des pays où l’accès aux soins est rendu très difficile par la pauvreté ou la guerre. Grâce à l’impression 3D, on peut imaginer refaire une monture en quelques heures. Bientôt, il sera également possible d’imprimer les verres.  Cela avance très vite !

 

Pour revenir à la création, quelles sont les formes qui vous ont marqué le plus dans l’histoire du design de lunettes ?

En moyenne, il existe une trentaine de formes de verres ou d’œil portables. Au-delà de cette moyenne, cela devient vite bizarre, tordu et très compliqué à vendre. Dans la limite de cette trentaine de formes, il faut plutôt explorer ce qu’on peut mettre autour.

En ce moment, plusieurs créateurs font des propositions très intéressantes en adoptant une approche très artistique de la lunetterie. J’aimerais citer en particulier les très beaux habillages de VAO, de Rigards et de Factory 900 ou encore le travail sur le cuir de Lucas de Staël.  

 

Le très haut de gamme en lunetterie, c’est quoi, selon vous ?

Aujoud’hui, le très haut de gamme est incarné par des marques comme VAO ou Rigards que j’ai déjà citées. Je pense aussi à Lotos Eyewear qui propose des pièces uniques en or ou argent massifs, à Hoët design qui travaille sur le titane imprimé ou encore à Alexanian qui dessine des pièces uniques en or massif.

Pour ma part, je me suis également lancé dans le très haut de gamme avec la marque Andrivet. Nous élaborons des pièces rares, diffusées uniquement sur commande, à des tarifs allant de 1500 à 5000 euros. Ce sont des pièces d’exception qui visent la perfection du produit.

Le futur du design en lunetterie

En tant que designer innovant, Emmanuel Andrivet montre comment le design des lunettes peut évoluer avec audace. Son approche visionnaire, combinée à une solide connaissance des matériaux et des techniques, inspire l’industrie et ouvre la voie à un avenir où créativité et technologie se complètent harmonieusement. Les lunettes issues de la modélisation et de l’impression 3D d’Emmanuel Andrivet ne sont pas seulement des accessoires, mais des œuvres d’art qui racontent une histoire, entre tradition et innovation.

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