Avec A Tabi Film, Maison Margiela réaffirme l’importance de son emblème fondateur : la Tabi. Pensé comme un geste visuel et culturel, ce court-métrage réalisé par Yuri Ancarani revisite l’icône à travers ses symboles, ses gestes et son héritage, à la croisée de l’artisanat et de l’image de mode.
Pourquoi la Tabi reste-t-elle centrale dans l’identité Margiela ?
Depuis sa première apparition en 1989, la Tabi incarne une signature visuelle immédiatement identifiable : une fente frontale inspirée des chaussettes japonaises Jika-tabi. Mais plus qu’un détail de design, elle cristallise l’approche conceptuelle de Margiela : anonymat, déconstruction, ritualisation du vêtement. En faire un film, c’est donc aussi documenter une pensée de mode, autant qu’un objet culte.
Quel regard porte le film sur la création artisanale ?
Le film suit, en silence et en gestes, le parcours complet d’une paire de Tabi, depuis le bois brut du moule jusqu’au point final de l’assemblage. Chaque étape est exécutée à la main par un collectif de 11 artisans, dont la spécialisation incarne la résistance à l’industrialisation. Le soin accordé aux gestes fait écho au langage visuel de la maison : précis, codifié, fragmentaire.
Comment l’image est-elle mobilisée pour exprimer la vision de la maison ?
Réalisé par l’artiste Yuri Ancarani et porté par la voix d’Ermanna Montanari, le film joue sur l’abstraction sensorielle. L’image devient matière : plans rapprochés, textures, séquences silencieuses. La Tabi y est montrée comme un fétiche, un artefact quasi rituel. Cette approche transforme l’objet en icône, dans une logique de continuité avec la stratégie visuelle historique de Margiela.
Quelle place est donnée à l’archive et à l’héritage ?
Le film intègre des séquences issues des archives de la maison, recontextualisant la Tabi dans les défilés, les performances et les photographies qui ont jalonné son parcours. Ces fragments historiques ne servent pas à commémorer, mais à relier les strates visuelles : chaque apparition de la Tabi devient un rappel discret mais constant de la cohérence stylistique de la maison.
Un objet de mode peut-il porter un discours aussi conceptuel ?
Dans le cas de Margiela, oui. La Tabi, avec son design radical, agit comme un vecteur de récit. Le film n’en fait pas un produit, mais un signe. Cette stratégie renforce l’image d’une maison qui continue de privilégier le discours artistique et intellectuel sur les logiques de collection ou de tendance.
Maison Margiela A Tabi Film : Pourquoi repérer ce film aujourd’hui ?
Parce que A Tabi Film marque une synthèse rare entre le geste, la mémoire et l’image, en redonnant à une silhouette culte son pouvoir de narration visuelle. Il consacre la Tabi non comme un accessoire, mais comme l’essence même d’un langage de mode.